Depuis ses débuts, Candy Crush a l’habitude, le jeu n’arrête pas de prendre de l’altitude. En novembre dernier, l’éditeur King annonçait le dépassement des 500 millions de téléchargements. Les pontes de l’industrie ont fini par le copier : Rovio, le célèbre créateur d’Angry Birds (téléchargé plus d’un milliard de fois), a donc sorti Juice Cubes, qui repose sur les mêmes mécaniques.
Je ne suis jamais tombé sur un article qui explique clairement les mécaniques de jeu qui rendent Candy Crush si addictif. Pourtant, elles paraissent évidentes avec un minimum de connaissances en game design et en gamification.
Alors pourquoi Candy Crush nous a tous rendu addicts ?
Cela tient en deux principes : Juiciness et Récompenses aléatoires.
Juiciness : donner un sentiment de productivité au joueur
La Juiciness se manifest de la manière suivante : pour un minimum d’actions effectuées par le joueur, le jeu va renvoyer énormément de feed-back. Dans Candy Crush, à la moindre combinaison, le jeu envoie des feed-back visuels (disparition de bonbons, puis apparition hasardeuse de nouveaux, et finalement disposition d’une nouvelle configuration de jeu) et sonores (suivant les combinaisons, le son émis par le jeu est plus ou moins impressionnant).
Pourquoi le cerveau aime la Juiciness ?
L’impression de productivité : tout ces feed-back donnent une impression de grande productivité ! Cette productivité est bien entendue totalement fausse, on ne fait que déplacer un doigt sur un écran. L’impression de réflexion, d’effort intellectuel pour chercher des combinaisons, est clairement “hyperbolée” par le jeu (voir plus bas, “l’ordinateur joue à votre place”). Candy Crush est un jeu pour gland*** qui donne l’impression d’être productif en créant beaucoup plus que ce que réalise le joueur.
Autre élément important de la Juiciness, non seulement il y a de nombreux feed-back, mais en plus, ils sont instantanés. Ils se déclenchent immédiatement après l’action du joueur. Les feed-back instantanés sont une clé en game design, puisqu’ils permettent de créer le flow, un état mental qui facilite la concentration optimale du joueur.
Récompenses aléatoires : rendre le joueur addict
Lorsque le jeu distribue des récompenses avec une part de hasard, on dit que ce sont des récompenses aléatoires. Ces récompenses entraîne la sécrétion par le cerveau de grandes quantités de dopamine. Pour simplifier, la dopamine est la molécule responsable de l’addiction. Plus la pratique d’une activité sécrète de la dopamine dans le cerveau plus l’individu qui la pratique a envie de continuer. (N.B. La molécule n’est pas responsable du plaisir mais du désir de continuer…) Pour en savoir un peu plus sur les récompenses aléatoires, vous pouvez lire cet article.
Dans le cadre de Candy Crush, les récompenses sont la capacité à produire des combinaisons pour gagner des points, comme on ne sait pas quels seront les prochains bonbons à tomber, les récompenses sont aléatoires.
La fin d’une partie produit également une énorme quantité de récompenses aléatoires d’un seul coup. En effet, si le joueur finit le niveau avant d’avoir atteint son quota de déplacements, l’ordinateur joue à sa place. Ici le principe du minimum d’actions pour un maximum de feed-back atteint son paroxysme : le joueur n’a rien à faire, il a juste à regarder tous les bonus qui apparaissent dans un tonnerre de feed-back visuels et sonores. Dans ces conditions, on se rend compte que feed-back et récompenses aléatoires sont liées : non seulement le jeu est juicy, c’est à dire qu’il produit beaucoup de feed-back pour peu d’actions en un temps réduit, mais en plus ces feed-back sont aléatoires (en game design comme en psychologie, feed-back et récompenses sont des concepts similaires quant à leurs effets sur les comportements des joueurs).
Le secret de Candy Crush ? L’ordinateur joue à votre place !
On entend souvent la remarque suivante : qu’est-ce que Candy Crush a de plus par rapport aux nombreux jeux aux mécaniques similaires ?
Il y a une raison qui se détache nettement. Dans Candy Crush, tout est calculé pour fournir des récompenses à un rythme millimétré pour la rétention des joueurs. Avez-vous déjà buté quelques fois sur un niveau, arrêté de jouer un jour ou deux, pour finalement recommencer ? Lorsque vous avez recommencé vous vous êtes certainement rendu compte que le niveau qui paraissait si difficile, devient, comme par enchantement beaucoup plus facile à achever ? Par chance, des combinaisons de bonbons très puissante se dessinent clairement sur l’interface… En fait tout cela n’est pas du hasard, tout est calculé. Comment voulez-vous que des configurations permettant de réaliser des combinaisons pour créer les bonbons les plus puissants du jeu, puisse se produire une (voir plusieurs fois par partie) avec du pure hasard ?
Il n’y a aucun hasard, les probabilités sont déterminées en fonction de notre situation de jeu, de notre niveau de rétention au jeu (fréquence d’utilisation du jeu), de notre facilité à progresser… En fonction, l’ordinateur décide des probabilités allouées à votre réussite ou à votre échec. Cela crée des récompenses à un rythme personnalisé pour chaque joueur et c’est ce qui explique l’addiction à l’intérieur d’une session et l’envie de revenir après quelques heures.
Désolé de vous décevoir, il n’existe pas de bons joueurs à Candy Crush, c’est juste l’ordinateur qui joue à votre place…