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Des combats entre joueur dans les jeux sociaux ?

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Les jeux sociaux sont très souvent décrits comme des jeux visant un public différent des jeux traditionnels : un public privilégiant la socialisation, la collaboration, l’entraide et le progrès constant. Pourtant, de plus en plus de jeux de stratégies font leur apparition sur Facebook, et au sein de leur gameplay une fonctionnalité à des kilométres de l’entraide et de la collaboration : le joueur contre joueur, ou bien PvP (“Player versus Player”)

L’efficacité du PvP pour augmenter l’engagement des utilisateurs

Les 5 jeux de stratégies (“Stratégie et Combat” tels que décrits sur AppData, parmi lesquels Empire & Allies de Zynga, Army Attack de Digital Chocolate et Backyard Monsters de Kixeye) comptent un rapport DAU/MAU entre 20 et 25% (fin novembre). Ce rapport compare la quantité d’utilisateurs qui se sont connectés sur une journée au jeu par rapport à la quantité de connexions à l’application en un mois. C’est donc un indicateur de l’engagement des utilisateurs, montrant combien d’entre eux se connectent tous les jours.

Cette mesure de l’engagement permet de déterminer la rétention et la monétisation des utilisateurs : plus un joueur passe de temps sur un jeu, plus il y jouera (en se disant “J’y ai passé X heures, je ne passerai jamais X heures sur un truc inutile, ce jeu est donc bien“), et donc plus il aura de chance de dépenser de l’argent pour accélérer sa partie.

Or, le rapport DAU/MAU de 3 de ces jeux a bénéficié d’une forte croissance lorsque les développeurs y ont intégré des fonctionnalités permettant aux utilisateurs de combattre entre eux (le fameux PvP). Zynga a ainsi introduit les combats “Battle Blitz” dans Empire & Allies vers mi-septembre, alors que le rapport DAU/MAU atteignait 15% et diminuait depuis quelques temps. En l’espace de 15 jours, le pourcentage était remonté à 20%.

Le PvP n’augmente pas forcément le nombre d’utilisateurs ou l’activité des utilisateurs, mais ont peut logiquement supposer qu’il permet d’augmenter de façon non négligeable l’engagement des utilisateurs, et donc les possibilités de monétisation.

L’accès à un public particulier

Les jeux de stratégies ont en fait la particularité de pouvoir s’adresser à différents publics :

  • Les “casual gamers“, qui sont des joueurs qui s’ignorent, c’est le public qu’a si bien cerné Zynga.
  • Les “core gamers“, les joueurs tels que l’on se les imagine habituellement, un public à majorité masculine, jouant aussi sur consoles et PC, ayant une certaine culture des jeux vidéos.

On peut donc construire une échelle permettant de situer les jeux selon leur public :

  • les jeux “casual” tels que Empire & Allies ou bien Army Attack auront des contrôles de jeu et un gameplay très simple, un environnement proche du dessin animé et un ton amusant.
  • A l’autre extrême, les jeux “core” beaucoup plus réalistes dans leurs graphismes, offrant un gameplay complexe et beaucoup plus long à maîtriser. Il s’agit par exemple de Battle Pirates, développé par Kixeye, ou bien Dragons of Atlantis, de Kabam.

La différence entre le “casual” Empire & Allies à gauche,
et le très “core” Dragons of Atlantis à droite.

 

Le rôle du PvP dans la monétisation

Mais comment le fait que les joueurs puissent s’entretuer joue un rôle dans les possibilités de monétisation du jeu ? Cela se fait plus ou moins directement :

  • Les unités perdues au combat sont perdues sans que le joueur puisse récupérer les matières dépensées dans leur production. Le joueur doit ainsi attendre pour reconstituer son armée, et s’il ne souhaite pas attendre il devra acheter ces matières. Le joueur aura aussi utilisé de l’énergie pour combattre, qu’il ne récupère pas à la fin du combat, il diminue le temps de sa session de jeu s’il n’en achète pas.
  • Il n’y a pas de systèmes de rééquilibrage des forces entre les joueurs très avancés et les débutants. Un “professionnel” peut ainsi attaquer un débutant avec des unités bien plus puissantes que celles auxquelles il sera opposé. Le débutant est ainsi d’autant plus à acheter des unités bonus plus puissantes pour se débarasser de cette menace
  • Lorsque l’attaquant occupe une portion de territoire d’un autre joueur, ce dernier ne bénéficie plus de la production de ce territoire. Handicapé d’une partie de ses ressources, il devra donc monétiser pour acheter de quoi reprendre possession de son territoire.
  • D’autres moyens, tels que les réparations nécessaires sur les bâtiments attaqués ou bien des vols de ressources en stocks, handicappent le joueur qui perd une bataille et peut le pousser à dépenser de l’argent pour combler le retard.

 

Mais le PvP a-t-il vraiment sa place dans les jeux sociaux ?

Ce type de jeu est encore loin de dépasser le succès de la série -Ville, mais ils prouvent que les joueurs ne cherchent pas dans les jeux Facebook qu’à se faire des cadeaux entre amis ou aller récolter les carottes de son voisin. Même si affronter son ami peut sembler contraire à l’appellation “jeu social”, n’importe quel joueur au fond de lui cherche à se mesurer à son voisin.
En effet, une des tartes à la crème en théorie du jeu est la théorie de Bartle. Elle distingue 4 personnalités chez les joueurs : Explorer, Socializer, Achiever, ou bien un Killer. Ces personnalités sont très souvent interprétées comme si un joueur ne se rattachait qu’à l’une d’entre elle. En décrivant le killer, difficile en effet de voir comment il peut se conjuguer avec un socializer.

Pourtant, le test de Bartle cherche non seulement à voir quel type de joueur domine notre façon de jouer, mais aussi de déterminer l’importance des autres types de jeu. Un joueur n’est pas uniquement Explorer. Il est par exemple à 80% Explorer, 67% Killer, 33% Socializer, et 27% Achiever. On décrit alors sa personnalité comme EKSA. Il est à dominance Explorer, mais il peut se comporter complètement à l’inverse d’un Explorer parfois ! (Essayez vous même le test sur gamerdna.com, il faut toutefois se créer un compte pour avoir accès à la totalité du résultat)

Chaque joueur renferme une part de Killer qui cherche à battre ses amis, pour le sport et la beauté de la victoire bien souvent. Le PvP permet donc de faire appel à cet aspect de la personnalité des joueurs, et de lui donner un moyen d’expression. La fierté d’avoir vaincu à un jeu vidéo n’est pas réservée qu’aux “core gamers“, et le PvP a donc toute sa place dans des jeux pour tous types de public. Ces jeux d’un autre genre ont donc une véritable place à jouer dans un réseau social et ils peuvent très bien fonctionner avec un modèle Free-to-Play.

Cet article est en grande partie une traduction de l’excellent post sur insidesocialgames.com.
Photo : Pillow Fight de Toronto 2009, IMuttoo sur Flickr