Modéliser une situation pour permettre d’étudier les conséquences de différentes décisions est très commun non seulement dans l’éducation mais même dans la recherche. Or cette modélisation revient à simuler la réalité, afin d’étudier, comprendre mieux ces situations mais aussi éduquer. La simulation est une des formes les plus utilisées dans la gamification de l’éducation
Qu’est-ce qu’une simulation ?
Beaucoup de simulation sont en général considérée comme des jeux. Une distinction importante peut être faite pourtant : le jeu abandonne les régles de la réalité pour créer son propre ensemble de régles. La simulation crée un univers virtuel elle aussi, mais les régles qui régissent cet univers sont inspirées des régles de la réalité, que ce soient les règles sociales ou bien physiques.
Ainsi Space Invader, en mettant le joueur au commande d’un vaisseau qui ne peut se déplacer que lattéralement et qui tire différent type de missile pour détruire les vagues successives d’aliens, est un jeu : les régles qui régissent l’univers créé n’ont quasiment rien à voir avec la réalité. Au contraire, Flight Simulator met le joueur au commande d’un avion dans un univers qui correspond à la réalité autant que possible. Flight Simulator cherche à reproduire l’expérience du vol avec des rêgles similaires que celles qui s’appliquent à un véritable avion en vol.

A gauche, le jeu Space Invader, et à droite la simulation Flight Simulator
Pourquoi utiliser la simulation pour former quelqu’un ?
Kurt Squire, du MIT, voit différentes utilités aux simulations sur ordinateur :
- Modifier des variables qui ne sont d’ordinaires pas modifiables, permettant ainsi de voir les effets de ces variables sur la réalité. Imaginez un jeu où l’on puisse modifier la gravité sur Terre par exemple.
- Voir le déroulement d’évènements depuis un autre point de vue que celui de l’individu en train de jouer. Ainsi, le jeu Hidden Agenda donnait au joueur l’occasion de voir les effets des politiques nord américaine sur l’Amérique du Sud, du point de vue d’un dirigeant local.
- Voir les effets d’un comportement dans le temps. Les simulation évoluent bien souvent avec le temps qu’il est même possible de manipuler, permettant d’étudier les effets d’une modification dans certaines conditions.
- Observer un objet en 3 dimensions. Ainsi le jeu Foldit permet de visualiser une modélisation de protéine en 3D pour pouvoir trouver comment la plier (Voir notre article sur comment ce jeu en crowdsourcing a résolu en 3 semaines ce qui était une énigme pour les scientifiques depuis 10 ans).
- Observer d’un œil critique la simulation. Toute simulation reprend en effet les conceptions de son développeur. Ainsi, il est connu que le jeu SimCity incitait très fortement les joueurs à privilégier un réseau de transport en commun sur le reste.
Dylan Marks de Stanford a lui conduit une étude plus ciblée concernant la simulation d’opérations chirurgicales dans les écoles de médecine. Il partait d’une étude qui avait révélé que les étudiants qui ont utilisé ces simulateurs réalisaient leurs opérations beaucoup plus rapidement que les autres et hésitaient beaucoup moins.
Pour lui cela est dû à deux facteurs :
- en reconstruisant le modèle, la simulation simplifie la réalité. L’étudiant qui s’est familiarisé avec la simulation a donc appris à n’intervenir qu’avec les indicateurs qui existent dans le programme, ignorant le reste, et il sait comment agir selon les variations de ces quelques indicateurs. L’autre étudiant est lui submergé par trop d’information, et il lui faut plus de temps pour savoir quelle décision prendre.
- en utilisant la simulation, l’étudiant s’est désensibilisé à certaines choses : il a moins peur d’opérer car il est familier avec la situation même si elle était simulée. On peut faire ici la comparaison avec un élève pilote qui a déjà volé sur simulateur : il aura moins peur de tourner en penchant l’aile car il l’a déjà beaucoup fait sur simulateur.
La simulation dans l’armée
Qui mieux que l’armée a intérêt à former pour faire de différentes démarches une seconde nature ? Notamment pour les démarches en cas d’urgence, l’armée américaine utilise énormément la simulation. Pour une simple raison pécunière tout d’abord : un entraînement réel impliquerait trop de risque pour les hommes et le matériel. Mais aussi car la simulation a un impact positif éprouvé.
La Navy utilise ainsi VESSEL : Virtual Environment for Ship and Shore Experiential Learning damage control trainer. Une seule heure d’utilisation de cette simulation permet de réduire de 50% le temps d’hésitation, les erreurs, améliore la conscience de la situation et la communication.
L’Air Force a elle recours aux services de FlightSafety qui permet aux pilotes de simuler par exemple des atterrissages dans des conditions météorologiques très particulières, ou bien travailler les atterrissages sur un seul moteur sans mettre les pilotes ou l’appareil en danger. Comme le dit le Capitaine Geoff Cargill, un crash sur simulateur coûte un clic sur “Reset” alors qu’un véritable crash entraîne la mort des 4 personnes dans l’appareil et la perte d’un appareil de 90 millions de dollars.
Du bon usage de la simulation dans la formation
Il faut néanmoins garder à l’esprit que, si la simulation rend beaucoup plus efficace la formation, la formation est absolument nécessaire. Pour Kurt Squire, il faut passer autant de temps avec la simulation qu’à réfléchir sur cette simulation. L’instructeur joue un rôle clé pour guider cette réflexion et favoriser la collaboration.
La simulation montre les effets des variables, mais l’instructeur a un rôle important pour expliquer ces variables, leur origine et leurs conditions d’applications. La simulation permet d’observer la relation de cause à effet, mais expliquer ces causes permet de réduire le temps de simulation nécessaire à la compréhension de ces relations.
Sources : gettingsmart.com, Commentary on Simulation in Education, de Dylan Marks, Video Games in Education, de Kurt Squire.
Crédits photos : ladymier, wblo et mistersnappy tous sur Flickr.