Pokémon : attrapez-les tous ! La saga a débuté par un simple jeu vidéo édité en 1996 au Japon. Trois ans plus tard, les pokémons franchissaient la frontière japonaise pour envahir le monde, sous de multiples formes : jeux vidéos, jeux de cartes, figurines, et même Boeing 747… Son succès, The Pokémon Company le doit à l’exploitation d’une caractéristique des joueurs, identifiée par la typologie de Bartle. El Gamificator analyse, sous l’angle de la gamification, la success story de la franchise.
Pokémon : un jeu pour les collectionneurs
À l’origine, il y a 150 pokémons. Bien qu’on nous encourage à les attraper tous, rien ne nous oblige à le faire pour terminer le jeu. Pourtant de nombreux joueurs explorent pendant des heures le monde virtuel pour compléter leurs bestiaires. Pourquoi cette “perte” de temps ?
En game design, il y a une théorie qui explique ce genre de comportements : il s’agit de la typologie des joueurs de Bartle. En 1996, Richard Bartle fait remplir un questionnaire à une population de gamers. L’analyse des résultats lui permet d’identifier 4 types de joueurs.
• Les tueurs préfèrent combattre d’autres joueurs.
• Les sociaux recherchent la communication et l’interaction.
• Les explorateurs aiment découvrir le monde.
• Les collectionneurs veulent posséder tout ce qu’il est possible d’obtenir dans un jeu.
Pokémon s’adresse avant tout aux acheveurs (autre nom pour désigner les collectionneurs). Le but du jeu est de détenir l’ensemble des créatures. Bien sûr, il serait trop simple de pouvoir compléter le pokédex du premier coup. Les premières versions du jeu (bleu, rouge et jaune) possèdent chacune des pokémons exclusifs. Pour obtenir l’ensemble des 150 pokémons il y a donc deux solutions : acheter plusieurs versions ou échanger des pokéballs avec des amis via un câble reliant les gameboy (à l’époque, internet ne permet pas de faire ce genre de choses). Et ça marche ! La première version du jeu figure à la troisième place des jeux les plus vendus de l’histoire selon un classement Jeuxvideo.com datant de 2009. Au Japon, c’est le seul jeu à avoir dépassé les 10 millions de ventes !
Finalement, Pokémon utilise une mécanique classique : la possession d’objets virtuels pour engager ses utilisateurs. Nintendo poursuivra au maximum cette logique puisqu’il annoncera plus tard un 151ème Pokémon à collectionner (Mew), afin de créer un peu plus de buzz… Mais ce n’est que le début puisque la franchise exploitera rapidement l’amour des gamers pour les Pocket Monsters avec d’autres produits, et d’autres pokémons.

Des produits dérivés qui ont fait décoller la franchise
Des Pokémons sur un Boeing
Quand on sait que certains pokémons ont été représenté sur un Boeing, on comprend l’ampleur de la pokémania. La franchise a été progressivement exploitée à travers de nombreux produits dérivés. Ce qui est très intéressant ici dans une perspective de gamification, c’est de voir que les produits dérivés ont progressivement déplacé les frontières du jeu. Collectionner des stickers n’est pas un jeu et pourtant la dynamique reste la même : s’il faut obtenir les 150 pokémons dans le jeu, il faut aussi obtenir les 150 stickers. Les joueurs les plus radicaux considèrent que monter dans un boeing Pikachu, c’est un peu ajouter un Pikachu à sa collection de nombreux autres Pikachus.

Des Lego Pokémon
La leçon de gamification des Pokémons
L’enseignement principal de la franchise, c’est que si les joueurs sont des collectionneurs alors il y a des chances pour qu’ils soient aussi des collectionneurs dans un cadre non virtuel. Si les joueurs sont des tueurs alors il y a de fortes probabilités pour qu’ils aient besoin de reconnaissance dans un cadre extérieur au jeu. Un joueur social recherchera certainement le contact humain dans la vraie vie. L’explorateur d’un monde immense comme celui de World Of Warcraft est sûrement une personne très curieuse.
De la même manière que Nintendo a su exploiter l’amour des joueurs pour les pokémons en proposant des produits dérivés, on peut imaginer toute sorte de mécanismes pour engager un peu plus et fidéliser les consommateurs d’une marque ou les utilisateurs d’un service. Un explorateur aura besoin de nouveautés, de nouveaux contenus, de nouvelles fonctionnalités. Un tueur sera satisfait si on lui donne la possibilité d’exprimer son originalité et son talent. Un social voudra pouvoir partager ses expériences, et pourra fournir de très bons feedbacks sur un produit. Enfin un collectionneur fera preuve d’une imagination débordante pour s’approprier un peu plus votre marque.
Si tous les individus ont un profil de joueurs alors il est très intéressant de le connaître même si le produit n’est pas ludique. La gamification ne cherche pas à tout transformer en jeu. C’est aussi ce que l’analyse des joueurs nous apprend sur les consommateurs.